Quelques souvenirs de Mme. Janine Sanchez

Le Viet Nam, Saigon, c'est notre nouvelle destination après de nombreuses années passées au Maroc, en Centrafrique, au Congo Brazzaville. Donc, un nouveau continent, un nouveau fuseau horaire.

Arrivés le 19 août 1972 à Tân Son Nhut, nous nous dirigeons vers Saint-Exupéry où Emile a été nommé. Le premier contact avec la foule dense et très variée, où les scooters se faufilent habilement dans le flot de la circulation, nous permet d'avoir tout de suite l'ambiance de la ville. Saint-Exupéry, situé dans la rue Ngô thoi Nhiêm, est une importante bâtisse d'un rouge assez chaud où nous allons vivre trois ans. Mais cela, nous ne le savons pas encore.

Nous arrivons avant la rentrée comme tous ceux qui sont dans l'administration, car il faut préparer la rentrée. Quant à moi, je peux commencer l'exploration de la ville et procéder à l'installation de notre nouveau logis. Les déménagements n'arrivant jamais en même temps que les personnes, je fais connaissance avec le dit " Marché aux Voleurs ", nom facétieux, mais endroit très pratique par la diversité des choses que l'on y trouve.

Bien sûr, visite au marché Lê Loi - les marchés sont toujours des endroits fascinants qui plongent dans la vraie vie du pays et, permettent de découvrir les habitants et les produits spécifiques ; et vraiment, au Viet Nam, quelle diversité, que de découvertes mystérieuses, que de fruits variés !

Mais, je suis tout de même venue travailler et pas pour faire du tourisme. Je me rends donc très vite au lycée Marie Curie, situé au bout de la rue Ngô Thoi Nhiêm où nous habitons, dans la rue Công Ly. Marie Curie, c'est un nom sympathique, celui d'une pionnière, prix Nobel de physique en 1903, de chimie en 1911. Pas mal, non ? Le lycée fondé en 1913 comme le précise l'inscription sur le fronton de la façade a été un lycée de filles jusqu'à récemment. Et puis, grande révolution, les garçons sont arrivés qui ont été accueillis avec plaisir, curiosité, des sentiments très variés. C'est un beau bâtiment, composé de cours plantées de superbes tamariniers autour desquelles sont les classes. Tout est bien sûr très calme puisque la rentrée n'a pas encore eu lieu. Accueillie par M. le Proviseur Fages et Mme le Censeur Priez, je repars avec mon emploi du temps. Cinq classes m'ont été attribuées :

   • TC1: 39 élèves, tous des garçons
   • 1ère D1: 32 élèves, 21 garçons, 11 filles
   • 1ère D2: 37 élèves, 11 garçons, 26 filles
   • 2nde A3: 34 élèves, 5 garçons, 29 filles
   • 2nde A4: 35 élèves, 5 garçons, 30 filles

Je prends les manuels pour chaque classe pour réfléchir à l'année à venir. Tout en continuant à me familiariser avec cette vaste cité qu'est Saigon aux quartiers si différents, le parc, le Musée, Cholon, les bords de la rivière, les pagodes, et toutes les artères différentes.

Le 1er septembre, le lycée prend vie, c'est la rentrée, une vraie fourmilière - les retrouvailles, les nouvelles connaissances. Bref, l'ambiance habituelle d'une rentrée. On s'installe dans la classe, les grands ventilateurs tournent lentement, silencieusement - l'impression générale est excellente et tous ces nouveaux visages semblent attentifs. Evidemment, on ne va pas se faire remarquer de manière défavorable dès les premiers jours ! Mais ce n'est pas seulement une prudente réserve, c'est vraiment le désir que tout se passe bien car nous y avons intérêt les uns et " l'Autre ". Ce n'était pas " une prudente réserve ", car au cours des trois années à venir, la sympathie, la sincère amitié, les relations chaleureuses qui se sont instaurées ne se sont jamais démenties et durent encore. Bien sûr, il a dû y avoir des moments difficiles, des déceptions, des maladresses. J'espère que de mon côté, il n'y a pas eu d'injustices. Bien sûr, chacun a vécu différemment ces années que j'ai partagées avec " Marie Curie ". Je veux évoquer certains moments un peu différents - ces fêtes, où se révélaient des talents réels et dont tous profitaient ; et puis, nos sorties parfois, au Musée ; nos réunions à Saint-Exupéry qu'Emile nous prêtait parfois, les exposés, en classe, sur des thèmes choisis par les uns ou les autres, nos rencontres, aussi, en dehors du lycée, parfois avec des personnes de nos familles. Mais c'est un livre tout entier qu'il faudrait écrire et il n'y suffirait pas.

J'ai donné les classes avec lesquelles j'ai travaillé la première année 1972-1973, pour rappeler la diversité de la composition des classes : classes uniquement de filles ou de garçons ; classes mixtes, mais au pourcentage très varié de filles et de garçons.

Quant à la diversité des personnalités, des tenues vestimentaires de nos charmantes filles, nous en gardons tous, j'en suis sûre, un souvenir vif et ému.

Nous avons eu la chance de pouvoir faire connaissance avec le Viet Nam - Vung Tau, bien sûr, Da Nang, Hue, Can Tho, Da Lat, Nha Trang, My Tho - tout ça dans le désordre comme on dit, mais bien en place dans nos têtes avec tous les souvenirs des lieux et des amis.

Je n'ai pas évoqué le travail proprement dit, les examens, les cours, les notes, mais je ne l'ai pas oublié, car cet aspect de la vie scolaire avait pour chacun d'entre nous une importance cruciale qui déterminait notre avenir ; et je crois que chacun s'y consacrait avec un sérieux, une conscience évidents. Cela simplifiait aussi beaucoup le rapport entre le prof et les élèves.

Et puis, nous nous sommes séparés ; la vie, les circonstances, les évènements ; mais nous ne nous sommes pas oubliés et ce petit texte un peu décousu en est la meilleure preuve. Vive tous les anciens de Marie Curie !

Janine Sanchez
professeur d'anglais à Marie Curie. 1972 - 1975